En 2009, J Dobson et son équipe (Université vétérinaire de Cambridge, UK) ont publié dans Veterinary and Comparative Oncology, une étude sur le mortalité du Flat Coated Retriever, « Mortality in a cohort of Flat Coated Retriever in UK ». Cette étude menée sur 174 Flat Coated Retriever a montré que cette race était « à risque » de sarcome histiocytaire, une forme particulière de cancer.
A « Flatcoated.info », nous avons été interpellé par les résultats de cette étude si bien que nous avons souhaité en savoir un peu plus et nous nous sommes lancés dans une étude de la bibliographie disponible sur le cancer chez le chien en général et le sarcome histiocytaire en particulier.
Tout d’abord, au fil des lectures il nous est apparu que les races pouvaient être touchées par de nombreux cancers différents ; certains cancers touchent beaucoup de races, d’autres touchent plus fréquemment certaines races. Lorsqu’il existe une plus grande fréquence de tel ou tel type de cancer dans telle ou telle race, on parle alors de « prédisposition raciale ».
C'est le cas du sarcome histiocytaire chez le Flat, le Bouvier Bernois et le Rottweiler, mais aussi du lymphosarcome chez le Boxer et le Berger Allemand, du carcinome épidermoïde chez le Schnauzer et le Bouvier des Flandres, ...etc.
Cette notion nous parait importante à souligner en préalable afin d’éviter de stigmatiser une race en particulier.
Nous avons pu lire, en autres, l’article publié dans une revue spécialisée en génétique : Journal of Heredity par les Dr J Abadie, B Hedan, E Cadieu, C de Brito, P Devauchelle, C Bourgain, H G. Parker, A Vaysse, P Margaritte-Jeannin, F Galibert, E A.Ostrander, et C André, « Epidemiology, Pathology, and Genetics of Histiocytic Sarcoma in the Bernese Mountain Dog Breed » résultat d’une étude menée sur le Bouvier Bernois en France.
Nous avons donc contacté le Dr C André qui a très gentiment et avec une grande disponibilité répondu à nos questionnements et surtout a émis la possibilité de réaliser au CNRS une étude sur les Flat Coated Retriever français, dans le cadre de l’étude américaine en cours sur le sarcome histiocytaire chez le Flat.
Aujourd’hui cette étude prend forme grâce au Dr André et son équipe du Groupe "Génétique du chien"à "Institut de Génétique et Développement de Rennes", UMR6061-CNRS, et nous allons tenter d’expliquer dans cet article le plus simplement possible ce qu’est le sarcome histiocytaire, les modalités de l’étude et surtout les perspectives qu’une telle étude ouvrent tant pour nos flats que pour l’homme.
Un grand merci aux Dr André, Hedan et Guillory qui ont eu la gentillesse de corriger cet article et de répondre à mes questions.
L'étude britannique :
En quelques mots, voici le résumé de « Etude de la mortalité dans un groupe de Flat Coated Retriever au Royaume Uni » J. Dobson, T. Hoather, T J. McKinley and J. L. N. Wood
Department of Veterinary Medicine, University of Cambridge, Cambridge, UK
Résumé :
L’étude d’un groupe de 174 Flatcoated Retriever a été entreprise pour établir l’importance du cancer dans la mortalité du flatcoated, en terme de prévalence des néoplasies dans la race et également l'effet relatif du cancer sur la durée de vie par rapport à d'autres formes de mortalité. Des chiens âges de 2 à 7 ans ont été inclus en 1996 et suivis jusqu’à 2007. Un recensement de santé annuel fut utilisé pour collecter les données. Deux chiens ont été perdu lors du suivi et 72 (42%) chiens sont décédés de néoplasies confirmées. Vingt chiens (11,6%) sont décédés de tumeurs non confirmées et 61 (35%) sont morts de maladies non-néoplasiques. La cause du décès était inconnue pour 19 chiens. Le sarcome des tissus mous (particulièrement sarcome histiocytaire) était le type prédominant de cancer, affectant 32 chiens (44% de néoplasmes). Six chiens sont morts d’un mélanome malin et trois d’un lymphome. L'âge moyen lors du décès était de 9 ans pour les chiens présentant des tumeurs (huit pour ceux atteints de sarcome) et de 12 ans pour les décès aux origines non-néoplastiques. Les résultats confirment donc que le sarcome des tissus mous en particulier le sarcome histiocytaire, est une cause importante de la mortalité dans cette race.
Le Sarcome histiocytaire ou Histiocytose Maligne :
On appelle « histiocytoses » les proliférations d’histiocytes : l’histiocyte est un type de cellule, présent dans le tissu conjonctif (tissu qui joue un rôle de remplissage, de soutien et de protection) impliquée dans l'immunité, une sorte de globule blanc présent dans de nombreux organes.
Chez le chien, on différencie plusieurs types d’histiocytoses :
- L'histiocytome cutané bénin, tumeur cutanée touchant le jeune chien, sans prédispositions raciales, pouvant régresser spontanément ou de bon pronostic après ablation chirurgicale.
- les histiocytoses réactionnelles, cutanée ou systémique, sont des dérèglements du système immunitaire non tumoraux mais de pronostic réservé, Cette forme touche préférentiellement les mêmes races que le sarcome histiocytaire et est relativement bien contenue avec la prescription d’anti-inflammatoires.
- Le sarcome histiocytaire ou histiocytose maligne, est un cancer : une prolifération tumorale, plus fréquente chez le Bouvier Bernois, Rottweiller, Retrievers, … pouvant être localisé ou systémique c'est-à-dire touchant plusieurs organes, il est de pronostic sombre.
Le CNRS s’intéresse à toutes les proliférations histiocytaires dans les races de chiens “prédisposées” car elles correspondent à des maladies homologues chez l’Homme, et particulièrement le sarcome histiocytaire qui est un cancer extrêmement rare chez l’homme et pour lequel les mécanismes sont encore méconnus.
C’est pourquoi, l’étude de l’histiocytose maligne chez le chien et en particulier dans certaines races ou cette affection est plus fréquente, représente un espoir de comprendre comment ces tumeurs se développent. et ultérieurement, comment mieux les traiter.
But de l’étude, dispositions techniques
Comme nous l’avons vu, une étude a été et continue d’être menée en Angleterre ; de même une étude similaire est menée aux Etats-Unis.
L’équipe du Dr André propose donc de collecter de l’ADN (prélèvements sanguins) de Flat Coated Retriever afin de réaliser un état des lieux dans l’effectif français et de mettre en place une étude française en lien avec l’étude américaine.
La participation se résume à un prélèvement de sang sur un tube EDTA, accompagné d’un questionnaire et d’une copie du pedigree. Pour des sujets atteints, le résultat de l’examen histologique est demandé et le cas échéant, des prélèvements de tissues tumoraux et de tissues sains sont demandés également.
Les données sont bien évidemment confidentielles.
Bien sur, l’étude impose un suivi des chiens dans le temps car un chien sain au moment du prélèvement peut développer un sarcome histiocytaire quelques années plus tard.
Le protocole
Le questionnaire
Le site de "Génétique du chien"à "Institut de Génétique et Développement de Rennes"
Etudier les chiens pour aider /soigner l’homme
Au delà de l’opportunité de voir développer et commercialiser des tests génétiques de dépistage de certaines pathologies canines, les applications de l’étude des maladies génétiques canines sont bien plus vastes.
En effet, il existe de nombreuses races canines très différentes tant morphologiquement que du point de vue du comportement. Ce polymorphisme phénotypique et comportemental est le fruit de la pression de sélection sur certains caractères au détriment d’autres, imposée par l’Homme.
En faisant se reproduire des individus apparentés afin de créer des races, les éleveurs ont artificiellement diminué la diversité génétique de la race et augmenté le risqué d’apparition de maladies héréditaires.En appliquant une pression de sélection sur certains caractères, l’Homme a involontairement sélectionné d’autres “caractères”, en fait un allèle ou une combinaisons d’allèles ayant une ou des mutations qui ont été sélectionnés et amplifies dans la race et qui s’avèrent responsables de certaines pathologies.
De ce fait les races constituent des isolats génétiques avec une fréquence de certaines maladies génétiques beaucoup plus élevée que chez l’homme.C’est pourquoi l’étude de ces maladies chez le chien et surtout la construction et l’analyse de pedigrees, rapportée à celle des échantillons d’ADN, sont de véritables atouts afin de comprendre les origines génétiques de certaines maladies homologues entre l’Homme et le chien.
Le séquençage du génome canin et maintenant les analyses génétiques de nombreuses maladies offrent donc de formidables espoirs quand à la compréhension de ces maladies, au développement chez le chien de tests génétiques de diagnostic et de dépistage et au développement de traitements de certaines pathologies chez l’Homme et le chien.
Références :
- Mortality in a cohort of flat-coated retrievers in the UK, J. Dobson, T. Hoather, T.J. McKinley and J.L.N. Wood, Department of Veterinary Medicine, University of Cambridge, Cambridge, UK
- Epidemiology, pathology, and genetics of histiocytic sarcoma in the Bernese mountain dog breed. Abadie J, Hédan B, Cadieu E, De Brito C, Devauchelle P, Bourgain C, Parker HG, Vaysse A, Margaritte-Jeannin P, Galibert F, Ostrander EA, André C. J Hered. 2009 Jul-Aug;100 Suppl 1:S19-27.
- Cancérologie appliquée aux sarcomes chez le chien : Etude clinique, pronostic et Modalités thérapeutiques, Amandine Lejeune, Thèse ENV Alfort, 2008
- Étiologie et épidémiologie des cancers chez le chien et le chat, M Lagadic, EMC Vétérinaire
- Principales maladies héréditaires ou supposées héréditaires dans l'espèce canine. Bilan des prédispositions raciales, K Charlet - Thèse Vétérinaire ENV Alfort, 2004
- « Le chien, un modèle pour la génétique des mammifères », Francis Galibert, Catherine André et Christophe Hitte, M/S Médecine sciences, vol 20, n° 8-9, 2004, p. 761-766.
- La Génétique Canine : intérêt en médecine vétérinaire et humaine, C. André et F. Galibert, Bull. Acad. Vet. France - 2005 - Tome 158 - Supplément au N84 www.academie-veterinaire-france.fr